Chez moi, après les études, les inquiétudes

Article : Chez moi, après les études, les inquiétudes
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28 septembre 2023

Chez moi, après les études, les inquiétudes

Chez moi, au Niger, l’on peut avoir un très beau cursus scolaire, secondaire et même universitaire. La provenance et le rang social importent peu. L’on peut affronter vaillamment toutes les difficultés pouvant se poser sur le chemin… et devenir enfin diplômé. Ce, même quand on est moins gâté par la vie. Quelle merveille, me dirait-on ! Effectivement, c’est admirable, génial et même glorieux. Sauf que : et après ? La suite ? C’est cela qui doit être plus intéressant. La réalité nous apprend malheureusement que cette suite est le plus souvent lamentable et incertaine. Pour bon nombre de diplômés qui se lancent dans la quête d’emploi, elle est faite de stress, de blocus… bref, elle est faite de toutes sortes d’inquiétudes. C’est cela l’après études, chez moi.

En effet, malgré leurs magnifiques parcours scolaires, faits d’excellences pour bon nombre, les diplômés, particulièrement ceux issus des familles moins aisées, se trouvent toujours à traîner le boulet… piégés et maintenus dans une situation d’impasse. Ils se retrouvent seuls face à leur sort fait d’inquiétudes et d’incertitudes dans un monde abstrus. Les plus courageux passent mordicus leur temps à constituer et déposer inlassablement des dossiers de demandes d’emploi ou de stage. Des demandes qui restent évidemment sans suite pour la majeure partie d’entre eux. Puisque qu’ils choisissent la « mauvaise adresse ». C’est à dire qu’ils ne connaissent « personne » là où ils les déposent. C’est bien cela l’inquiétude. Ah oui ! Parce que chez moi, il faut connaître « quelqu’un ». Ou, au moins, connaître « quelqu’un qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un… qui est un peu bien placé dans les strates de l’administration ou même du pouvoir ». Autrement, il faut avoir le célèbre « bras long » pour, avec les faveurs d’une « connaissance », pouvoir espérer décrocher un boulot ou un simple stage non rémunéré : le fameux sésame !


Ah oui ! C’est ainsi que ça fonctionne chez moi. Les postes se partagent entre des groupes restreints. L’on se tromperait bien en faisant l’erreur de penser ou croire que, chez moi, c’est uniquement le savoir-faire qui donne accès au travail. C’est une histoire de « réseau », en effet. Le fameux « PAC : Parents, Amis et Connaissances » occupe une place importante dans les manœuvres de l’insertion socioprofessionnelle de jeunes. Ici, des avis de recrutement sont parfois lancés juste pour le besoin de formalité, puisque d’avance est connu celui qui occupera le poste. La pratique a cours aussi bien dans le secteur public que privé. Et, elle ne date pas d’aujourd’hui. Sauf qu’elle gagne de plus en plus du terrain, si bien qu’elle tend à se normaliser. C’est la triste réalité qui fait souffrir les diplômés issus des familles modestes et qui n’ont pas assez (ou pas du tout) des « relations ». Pour ceux-là, les réseaux sont souvent fermés. Ils ont moins de chances à y accéder. Et, ainsi, la recherche de travail devient leur unique travail. En tout cas, il est difficile qu’ils en décrochent un. Et, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas le mérite ou qu’ils manquent des compétences… Mais, c’est tout simplement parce que le mérite est remplacé par les relations. Et le clientélisme est non seulement banalisé, mais il constitue l’unique recours, puisque les recrutements se font par affinités. Chez moi, tu peux avoir toutes les compétences nécessaires, avoir le profil idéal pour un poste qui est à pourvoir, mais si tu n’as pas de connaissance là où on recrute, c’est que tu n’as pas l’essentiel. Tu n’as pas ce qu’il faut et tu n’es pas le bienvenu. Car tu n’accéderas pas à ce poste. Ce qui, au bout d’un moment, donne aux diplômés en quête d’emploi l’impression de traîner leurs vies. Et se découragent pour encore faire face à d’autres inquiétudes.

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Se faire avoir par de vendeurs d’illusions


Après avoir épuisé leurs maigres économies dans la légalisation des documents et autres tractations pour le dépôt de dossiers s’avérant sans suite, certains demandeurs d’emploi désespérés se retrouvent contraints à restreindre même leurs mouvements. Ils restent cloîtrés, quasi-immobiles à la longueur des journées. Devant leurs amicales théières et quelques verres, pour ceux qui ont quoi y mettre, les débats sont nourris autours des sujets banaux, orientés souvent sur la politique qui est aujourd’hui incontournable. L’idée de l’entrepreneuriat ? Il y en a qui ne la manquent pas quand même et n’hésitent pas à l’évoquer lors de leurs variées discussions. Parfois avec des projets ambitieux et structurés. Mais, surtout qui restent bien structurés dans les têtes ou, à la limite, sur les papiers, quand on réussit à les écrire et imprimer. Car comment les concrétiser quand on fait face à des blocus ? Oui, à divers blocus, dont ceux d’accompagnement et de financement. Étant évident qu’il faut quand même un minimum pour commencer à entreprendre, si l’on décide d’opter pour cette alternative. Oups ! Que cela n’irrite certains vendeurs d’illusions qui cherchent à se faire des millions sur les dos des chômeurs auxquels ils conseillent presque l’impossible. Oui, que cela ne froisse certains « coachs » en entrepreneuriat, pour les qualifier ou nommer. Ceux-là qui, dans la recherche de leur butin, vendent aux désespérés diplômés des chimériques idées, telle que « on peut entreprendre à partir de zéro franc ». Et cela, tout le monde peut le faire, selon eux. Il suffirait juste d’avoir un certain niveau d’instruction et/ou un diplôme et de s’y mettre. Ainsi donc, se font naïvement avoir les jeunes diplômés qui, quand pour eux le moment est bon, paient parfois à quelques milliers des francs CFA le coût d’un « coaching » qui, généralement, ne les sort malheureusement pas de l’impasse. Mais, les y enfonce plutôt. C’est cela l’inquiétude.

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Ranger de côté ses diplômes pour avoir un emploi


Chez moi, on est obligé parfois de revoir sa « politique » de recherche d’emploi pour, à tout prix, en avoir un, si on y tient vraiment. Ainsi, il faut ranger de côté son/ses diplôme-s mais aussi sa fierté et « se donner » à tout-va, et même disproportionnément, à toute sorte d’offre. C’est à dire qu’il faut chercher et guetter n’importe quelle occasion professionnelle, même s’il faut se vendre au rabais et à vil prix.


Ainsi, il faut surtout s’attendre et être apte à s’engager à faire des travaux qui ne cadrent pas forcement avec son domaine d’étude et son diplôme. Raison pour laquelle bon nombre de diplômés se trouvent aujourd’hui à exercer des « métiers » en inadéquation avec leurs formations et diplômes. Chez moi, pour faute de choix, on finit par accepter « tout » du moment où cela nous aiderait, de quelque manière, à subvenir à certains besoins élémentaires. On embrasse le métier et on s’y adapte sans poser d’exigences et parfois sans convictions et passion. Là, il appartient uniquement à l’employeur de poser des conditions. Quitte au diplômé de les accepter et trouver enfin un « emploi » ou les refuser et continuer encore à en chercher, en acceptant d’affronter toutes les formes de galère.


Sauf qu’en acceptant ces conditions, on accepte aussi parfois de se faire « humilier » professionnellement, car le droit de travail est mis de côté chez certains employeurs. Seules leurs propres règles font foi, chez eux.


L’exploitation à peine déguisée…

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Chez moi, les plus téméraires et « chanceux » des chômeurs qui arrivent à avoir un stage, deviennent une sorte de « proie » pour les promoteurs d’entreprises. Quand tu es « bon », on te maintient éternellement en tant que stagiaire. On t’exploite aussi longtemps que tu y restes. Les privés font de la pratique leur sport favori. Que cela prenne des années. Tant que tu ne décides pas de mettre un terme, on va continuer à « t’utiliser ». Mais, encore une fois, il faudra que tu sois « bon » ; c’est à dire productif pour l’entreprise. Là, on te maintient avec parfois des faux espoirs ; en te vendant des faux rêves. En tout cas, tous les moyens sont bons pour t’asservir. On te fait miroiter un avenir presque parfait pour continuer à mieux t’exploiter. On te fait croire que c’est toi qui profites de l’entreprise et non le contraire, comme quoi tu es en train d’apprendre et d’accumuler de l’expérience. On t’utilise ainsi pour faire gonfler le chiffre d’affaires, pendant que toi, tu n’as que ça à faire. C’est cela l’inquiétude.

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Commentaires

Abdoul Madjid Mahamadou
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Merci pour ce beau récit, reflétant la triste réalité de 60% des jeunes diplômés du Niger. Toutefois quelle solution proposez vous face à cela ? Cordialement.

Agalher idrissa
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Telle est la réalité .
Merci

Ahmadou Atafa
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Merci mon frère. Tigla fel mannet