Le Niger réplique à l’UE en abrogeant une loi anti-migratoire

Article : Le Niger réplique à l’UE en abrogeant une loi anti-migratoire
Crédit: Journal Afrique-Plume via Facebook
30 novembre 2023

Le Niger réplique à l’UE en abrogeant une loi anti-migratoire

Les autorités nigériennes ont abrogé le 25 novembre 2023 une loi criminalisant la migration. Une mesure aux allures d’une réplique aux sanctions de l’Union Européenne (UE) à l’encontre du Niger. Puisque c’est l’UE qui avait demandé l’élaboration de ladite loi afin de réduire les flux migratoires vers l’Europe.

Adoptée en 2015 sous la pression de l’Europe, la loi 2015-36 visait à freiner les mouvements des migrants vers le Maghreb, puis l’Europe, à partir du Niger. Elle a été élaborée avec le fort soutien de l’Union Européenne qu’elle servait au détriment du Niger. Cette loi avait été votée « sous l’influence de certaines puissances étrangères » et « a été prise en contradiction flagrante de nos règles communautaires », ont avancé les autorités nigériennes. En outre, justifie le gouvernement du CNSP (régime militaire), la loi « ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses concitoyens » expliquant qu’elle « érige et incrimine en trafic illicite certaines activités par nature régulières ».

La région d’Agadez (nord), principal carrefour de transit migratoire au Niger, est la plus touchée par les conséquences de cette loi. L’économie, déjà mise à mal après l’arrêt des activités touristiques, s’est effondrée dans la région. Ainsi, le manque d’activités de jeunes y a entraîné le développement de banditisme. Les populations et les organisations de la société civile n’ont cessé de militer pour la révision, à défaut de l’annulation, de cette loi impopulaire qui a fait du Niger un pays de rétention au lieu de transit des migrants.

La région d’Agadez colorée en rouge sur la carte du Niger. C’est la partie désertique au nord du Niger. Carrefour de migrants ouest africains qui partent vers le Maghreb. ©️ Wikipedia

Une mesure de rétorsion contre l’UE

Cette décision des autorités nigériennes de transition intervient dans un contexte de vives tensions avec l’Union Européenne qui leur dénie toute légitimité. Après avoir suspendu son aide budgétaire et la coopération militaire au Niger, l’UE a adopté, le 23 octobre, un cadre juridique lui permettant de prendre des sanctions contre le régime militaire en place. Le 23 novembre, soit un mois plus tard, l’UE a réitéré sa condamnation du coup d’État au Niger et a appelé à la libération et à la réintégration immédiate du président déchu Mohamed Bazoum à la Présidence du Niger. Vraisemblablement, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En tout cas, pour bon nombre d’observateurs, c’est l’une des raisons qui a poussé les autorités militaires du Niger à abroger la loi qui servait de digue anti-migratoire à l’Union Européenne.

Une décision vivement saluée à Agadez

L’abrogation de la loi qui criminalisait la migration a été accueillie à bras ouverts dans la région d’Agadez. C’est une décision impatiemment attendue par les jeunes de la région qui faisaient des activités migratoires leur principale source de revenus après l’arrêt du tourisme suite à l’éclatement d’une rébellion touareg en 2007 dans la région. Ces jeunes se disent aujourd’hui fiers et surtout prêts à relancer leurs activités.

La Grande Mosquée du centre historique d’Agadez et les rues environnantes, vue depuis le toit-terrasse de l’Auberge Tellit (1 novembre 2018)/©️Vincent van Zeijst – Wikicommons

Selon Sidi Mamadou, un acteur de la société civile d’Agadez qui exerçait dans le domaine, « n’eût été la fermeture des frontières [par la CEDEAO – NDLR], les gens se seraient déjà lancés dans les activités de transport des migrants ». Il promet d’ailleurs de se remettre lui-même au travail bientôt.

Les populations estiment que la reprise des activités migratoires permettra de relever l’économie de la région.

« Aujourd’hui, Agadez peut se retrouver à travers les activités liées à la migration », lance Amadou Oumarou, un autre ex-prestataire de l’activité. Il appelle par ailleurs à l’ordre dans la reprise.

Le Conseil régional d’Agadez a, pour sa part, salué « une initiative très bénéfique pour [la] région ».

L’Union Européenne s’inquiète

Si la décision du général Abdourahamane Tiani ravit les Nigériens, il n’en est pas de même pour l’Union Européenne dont, la désormais ancienne loi, participait à l’architecture migratoire et sécuritaire.

« Je regrette vivement cette décision », a réagi le 28 novembre la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson qui s’est « dite très préoccupée ». Elle estime qu’avec l’annulation de la loi de 2015, « il y a un gros risque que cela cause de nouveaux décès dans le désert ». Selon elle, cette loi avait permis non seulement une nette réduction de nombre de morts sur la route migratoire, mais aussi une baisse de nombre d’arrivées illégales sur le territoire européen.

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